Dîner au CAFE DES ARTS-FONDATION MANIGLIER : un envoûtement visuel et gustatif
Un restaurant unique au monde. Le dîner se déroule dans un ancien moulin à sucre qui abrite la Fondation MANIGLIER, à l’Ile Maurice. Le propriétaire, Jocelyn Gonzalez, personnalité flamboyante, ajoute à la magie du lieu.
Un dîner dans une immense galerie d’art, cela n’est pas banal.
Le CAFE DES ARTS est sans doute l’un de mes restaurants préférés sur cette planète. Voilà qui est dit.
Le mariage entre l’art pictural et l’art culinaire en font un lieu inattendu. C’est un envoûtement à la fois visuel et gustatif. Rare, très rare.
J’y suis allée trois fois, j’y ai vécu des moments inoubliables, et j’ai toujours gardé cette adresse dans un petit coin de mon cœur.
Alors de passage à l’Ile Maurice, j’ai proposé à des amis qui vivent à Grand Baie de découvrir Le CAFE DES ARTS. Cela ne s’improvise pas. Nous réservons quelques jours plus tôt. Le jour J, nous prenons la direction de Trou d’Eau Douce, à Flacq, sur la côte est de l’Ile.
Arrivés dans ce « trou » c’est-à-dire à la campagne, la voiture est garée près d’un Banyan Tree (ou multipliant, en français), un arbre impressionnant référencé comme l’un des plus vieux de l’Ile Maurice. Il porte bien son nom. Il semble heureux de nous accueillir, déployant ses branches de manière multiple.
Un ancien moulin à sucre réhabilité en restaurant
Le charme agit immédiatement lorsque nous apercevons la bâtisse de cet ancien moulin à sucre construit en 1840, à l’époque de la reine Victoria, puis fermé en 1956, réhabilité en 2004. Ne l’oublions pas les Britanniques occupèrent l’Ile « Mauritius » de 1810 à 1968.
Jocelyn Gonzalez et Patricia Elisabeth Scott, son épouse mauricienne, nous accueillent dans un immense atelier doté de grandes hauteurs de plafond, sur deux niveaux, avec vue sur la piscine à travers l’open space.
Dès l’entrée, nous en avons plein les yeux. Tous les murs sont couverts des peintures et des dessins d’Yvette Maniglier, une artiste française née en 1929 en Bourgogne et décédée en 2007 … à l’Ile Maurice. Il n’y a pas un centimètre en jachère : au total une soixantaine d’œuvres sont exposées tandis que d’autres s’impatientent de sortir des cartons pour la prochaine saison.
Profusion, abondance de couleurs, de formes, de styles. Ces peintures qui sont principalement figuratives, pimpantes aux couleurs vives et chaudes, donnent une formidable énergie. C’est de l’antidote contre la morosité. Ici on respire, on est de joyeuse humeur.
Nous sommes à des années-lumière des établissements qui tentent d’agrémenter leurs murs de quelques tableaux d’artistes plus ou moins à la mode. Ici il y a une histoire. Une histoire d’amour. Sans Yvette Maniglier, le CAFE DES ARTS n’existerait pas.
Rencontre de Jocelyn Gonzalez et d’Yvette Maniglier
« J’ai rencontré Yvette Maniglier dans un avion en rentrant de Los Angeles en 1998. Elle m’avait croqué pendant que je dormais et m’avait remis le dessin à mon réveil », raconte Jocelyn.
Cette grande dame fût la dernière élève d’Henri Matisse, le maitre du fauvisme. Elle a perfectionné son art durant toute sa vie, notamment auprès de peintres célèbres comme Picasso ou Modigliani. Elle n’a jamais acquis la notoriété de ses maîtres, mais elle compte dans le Montparnasse des artistes de l’après-guerre.
Jocelyn se prend de passion pour l’artiste et commence à acheter ses toiles, une à une. Au fil du temps, il devient alors son mécène et le plus grand collectionneur de ses œuvres. « Yva est venue me voir à l’Ile Maurice, raconte-t-il. Puis, elle s’est installée dans cet ancien moulin pour y peindre. Elle a vécu trois années heureuses ici avant de décéder d’une crise cardiaque. »
Yvette n’a pas d’enfant, elle adopte Jocelyn. Son mécène crée la FONDATION MANIGLIER afin de consacrer son œuvre.
En 2004, il inaugure Le CAFE DES ARTS-FONDATION MANIGLIER avec la participation de Jean-Claude Brialy. Jocelyn connaît bien le métier, fort de son expérience dans l’hôtellerie-restauration, notamment à l’Hôtel Desroches Island (aujourd’hui Four Seasons) aux Seychelles.
Rien à voir avec le célèbre Café des Arts à Saint-Tropez. Le CAFE DES ARTS MAURITIUS porte bien son nom. C’est l’alliance des régals de la bouche et des plaisirs visuels. Deux destins croisés à jamais liés.
Les 10 ans du CAFE DES ARTS fêtés avec Maxime Le Forestier… Ambalada
Nous nous enfonçons dans un grand canapé pour prendre une coupe de champagne et consulter l’imposante carte rehaussée, bien sûr, d’une peinture de Maniglier.
Tous les meubles ont été chinés. On se sent comme à la maison ! Des tables et des chaises d’un rouge corail nous tapent dans l’œil. « Cette couleur correspond au carton d’invitation de la dernière exposition « Matisse-Picasso » au Grand Palais en 2002 », nous explique Jocelyn qui les a dessinées en hommage à son père, designer de mobilier à Barcelone.
J’ai oublié mes lunettes ? Une paire de lunettes loupe de lecture, à la disposition des clients, m’est aussitôt proposée. Ici les attentions sont inédites. Nous sommes choyés par Jocelyn et Patricia. Un art de recevoir digne des meilleurs étoilés Michelin. Avec cette touche amicale qui en fait un endroit « spécial ». Comme si nous étions reçus chez des amis. D’ailleurs, nos hôtes sont devenus des amis. Des clients viennent du monde entier et ne manquent pas d’offrir un cadeau de leur pays ! Oui, c’est comme cela au CAFE DES ARTS.
Rien n’est laissé au hasard. L’ambiance musicale a sa signature. Jocelyn a conçu des compilations de musiques de jazz dont il a choisi les morceaux. D’ailleurs, lui-même est musicien, formé au conservatoire de Nîmes.
Dans le prolongement du salon, je plonge mon regard dans la piscine bleu lagon. J’imagine les grandes fêtes régulièrement organisées, ce rectangle bleu se transformant en une piste de danse. Les estivants qui séjournent dans les hôtels à proximité du CAFE DES ARTS adorent s’y échapper pour un soir et plus… Maxime Le Forestier a entonné Ambalaba, chanson d’inspiration mauricienne, pour les dix ans du restaurant.
Nappe noire, grandes assiettes blanches carrées avec un dessin de Maniglier
Nous prenons place à une table joliment dressée, d’un vase débordent bougainvilliers et frangipaniers. Je découvre un petit bristol blanc sur lequel est écrit mon prénom à la plume. Ici est ma place.
Sur la nappe noire sont disposées de grandes assiettes carrées blanches, avec un dessin de Maniglier façon Picasso. Le contraste est superbe. Toute la vaisselle en céramique a été imaginée par Jocelyn et a été fabriquée par des artisans mauriciens.
La brigade est au diapason du tempo des convives. Une équipe de neuf personnes au total.
Le cœur de palmiste braisé sauce hollandaise croque sous la langue. Mention spéciale pour la langouste grillée parfumée à la vanille et au basilic avec une mousse de courge cacahuète et poivron. J’opte pour le filet de bourgeois et son émulsion au combava. Les crêpes Suzette flambées au vieux rhum ont ma préférence sur le crumble de pommes granny caramélisées.
« Je ne sers que des produits frais et nobles que j’achète au marché ou chez mes petits producteurs locaux. Ma cuisine est légère ; je cherche avant tout à harmoniser les saveurs, les couleurs et les senteurs », commente Jocelyn, sexagénaire à la silhouette de jeune homme. Tous les jours, l’entrepreneur se lève avec le soleil pour une balade sur la plage de Roches Noires en compagnie de son Labrador et de son Jack Russell.
Quelques notes de trompette à la fin du dîner
Des personnalités comme Michèle Laroque, Dany Boon, Romain Duris, Nicolas Bedos, mais aussi des sportifs, des dirigeants de sociétés aiment fréquenter ce repaire exotique. Une adresse confidentielle qui fonctionne avec le bouche à oreille. « Ici il n’y a pas de privilégies. Tout le monde règle l’addition », souligne Jocelyn qui a organisé une centaine d’évènements depuis l’ouverture du CAFE DES ARTS … jusqu’à 385 personnes lors d’une soirée privée.
Le CAFE DES ARTS nous enveloppe de son atmosphère chaleureuse qui n’existerait pas sans la personnalité de Jocelyn et de Patricia… l’épouse en retrait, mais aussi pièce maîtresse de la réussite de l’établissement.
Quelques alcools d’exception sont sur la table. Il est déjà 1 heure du matin. Mes amis sont totalement séduits : « C’est un endroit exceptionnel à l’Ile Maurice ! »
Les esthètes adorent ce restaurant-galerie d’art qui n’a pas d’équivalent dans le monde. Le lieu est unique, magique. Jocelyn nous gratifie de quelques notes de trompette à la fin du dîner. Moment rare. O temps suspends ton vol.
Informations pratiques :
CAFE DES ARTS MAURITIUS-FONDATION MANIGLIER
Victoria 1840, Trou d’Eau Douce, Flacq
Restaurant uniquement le soir sur réservation au (+230) 54210977
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Photo à la Une : Vue plongeante sur le Lounge du CAFE DES ARTS MAURITIUS / © Corine Moriou
Corine Moriou a été Grand Reporter pour le groupe L’Express pendant 15 ans. Aujourd’hui, elle exerce son métier en tant que journaliste indépendante. Ses domaines de prédilection sont les sujets de société, la culture, les voyages, le bien-être. Jamais blasée, toujours prête ! Corine Moriou was a senior reporter for the L'Express group for 15 years. Today, she works as a freelance journalist. Her favorite subjects are society, culture, travel and well-being. Never blasé, always ready!