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Bernard Squarcini, « le Squale » aux intérêts sulfureux

Bernard Squarcini, « le Squale » aux intérêts sulfureux

Bernard Squarcini, ancien chef du renseignement intérieur, devra comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris. Il est accusé d’avoir utilisé ses relations dans les forces de police pour obtenir des informations confidentielles et des avantages personnels, en particulier au bénéfice de Bernard Arnault, le dirigeant de LVMH et de son groupe.

 

Des péripéties dignes des grands films de mafia. L’ancien patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris. Il est soupçonné d’avoir utilisé ses connexions illégalement pour obtenir des informations confidentielles au profit d’intérêts privés, principalement pour le géant du luxe, LVMH et de son dirigeant Bernard Arnault.

 

Surnommé « le Squale », Bernard Squarcini, âgé de 67 ans, est au cœur de l’enquête qui a débuté il y a douze ans en raison de ses liens avec le groupe de luxe LVMH. Alors qu’il a initialement été mis en examen en 2016, les accusations à son encontre ont été élargies en 2021. Il sera jugé pour onze infractions, notamment trafic d’influence passif, détournement de fonds publics par un particulier, compromission du secret de la défense nationale, abus de confiance, faux en écriture publique, complicité et recel de violation du secret professionnel et de l’instruction.

 

Dans une ordonnance datée du 1er septembre, deux juges d’instruction ont également ordonné le procès de dix autres personnes, parmi lesquelles figurent un ancien magistrat, un préfet et d’anciens hauts responsables de la police ou des consultants. Ces individus sont soupçonnés d’avoir répondu, à différents degrés, aux demandes de Bernard Squarcini.

 

Cursus honorum

 

Mais avant d’en arriver à ces accusations, ce fut un long parcours. Né en 1955 à Rabat (Maroc), titulaire d’une maîtrise de droit et diplômé de l’Institut de criminologie, Bernard Squarcini est un policier devenu préfet. Chef du service des Renseignements Généraux de Brest en 1981, il devient ensuite adjoint au directeur régional des Renseignements généraux de Corse (1983-1988), puis directeur départemental des Renseignements généraux des Pyrénées-Atlantiques en 1988-1989, avant d’être nommé chef de la division « enquête et recherches » à la direction centrale des Renseignements généraux en 1989. En 1993, Bernard Squarcini est nommé sous-directeur de la recherche au service central des RG. Il est parallèlement adjoint au directeur de la direction centrale des Renseignements généraux (DCRG) à partir de juillet 1994.

 

Bernard Squarcini fut notamment l’un des artisans de l’arrestation en 2003 d’Yvan Colonna, l’assassin présumé du préfet Claude Érignac, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur. En 2007, il est nommé Directeur de la surveillance du territoire (DST). Le 2 juillet 2008, il est nommé à la tête de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) née de la fusion de la DST et de la DCRG.

 

Le 30 mai 2012, il est remplacé à ce poste et devient préfet hors cadre. Il quitte la police le 28 février 2013 et créé son cabinet, baptisé Kyrnos Conseil. Il est aussi embauché par le cabinet d’intelligence économique Arcanum en juin 2013.

 

Lourdes accusations

 

Lors des perquisitions menées à son domicile, plus de 400 documents classifiés ont été découverts.

 

Aux côtés de Bernard Squarcini sur le banc des prévenus, dix autres individus devraient comparaître en justice. Parmi eux, figurent d’éminents fonctionnaires de l’État, dont le préfet Pierre Lieutaud, qui a occupé le poste de numéro 2 au sein du Coordinateur national du renseignement, ainsi que Laurent Marcadier, un ancien magistrat de la cour d’appel de Paris. Seront également présents d’anciens hauts responsables de la police, à savoir Charles Pellegrini, Hervé Seveno et Jean-François Lelièvre, ainsi que des consultants. Il convient de noter que Pierre Godé, qui était autrefois le numéro 2 de LVMH et que plusieurs personnes impliquées ont identifié comme l’un des acteurs clés, est décédé au début de l’année 2018.

 

L’enquête s’est concentrée sur quatre aspects, dont la tentative d’identification en 2008, par les policiers de la DCRI, de l’auteur d’une tentative de chantage visant Bernard Arnault et le groupe LVMH. Par ailleurs, la DCRI s’est intéressée à l’espionnage de François Ruffin, aujourd’hui député LFI, et de son journal Fakir entre 2013 et 2016.

 

Le géant du luxe LVMH n’est plus impliqué dans la procédure depuis qu’il a payé une amende de 10 millions d’euros fin 2021 pour éviter des poursuites liées au trafic d’influence.

 

Défense laborieuse

 

Pour l’instant, les avocats de Bernard Squarcini n’ont pas pu être contactés. Les juges estiment que l’argument de la défense selon lequel la protection des intérêts purement privés de Bernard Arnault équivaut à celle du patrimoine économique est une erreur manifeste de la part de Bernard Squarcini.

 

Ils estiment également que la DCRI, sous la direction de Squarcini, n’aurait pas dû intervenir dans cette affaire. Les deux magistrates financières affirment que l’action de Bernard Squarcini a inévitablement causé un préjudice à la DCRI et, plus largement, à l’État français.

 

Les avocats de Franck Alioui, un policier qui s’est porté partie civile dans cette affaire partie civile, affirment que ce procès illustrera le détournement de la mission de hauts fonctionnaires, en particulier Bernard Squarcini, à des fins personnelles, au détriment de la crédibilité de l’État.

 

Pour Vincent Brengarth, un des avocats de Franck Alioui, ce procès sera un véritable « événement ». « Voilà des années que nous tentons de pouvoir documenter la privatisation des services de renseignement par des hauts fonctionnaires français mais ce sont des choses qui sont extrêmement difficiles à pouvoir sourcer et documenter ». Selon l’avocat, les « services de renseignement agissent dans une forme d’opacité et c’est pour ça que ce procès va être exceptionnel ».

 

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Photo à la Une : ©RIVA PRESS


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