L’Orient Express célèbre ses 140 ans avec Accor
L’Orient Express, le mythique train voulu par le visionnaire Georges Nagelmackers, fête aujourd’hui ses 140 ans. Un anniversaire marqué par une vidéo célébrant son héritage et annonçant sa renaissance d’ici 2024 sous la houlette de la SNCF et du géant hôtelier Accor.
Elégant, confortable et exclusif, celui que l’on surnommait “le roi des trains et le train des rois” a su garder une place à part dans l’inconscient collectif. Un leg culturel que l’on doit autant aux destinations traversées qu’à la somptuosité de son service et de ses voitures et qu’à ses passagers de légende issus du monde de la littérature et du cinéma.
Si le Venice-Simplon-Orient Express est la propriété du groupe LVMH depuis 2019, la SNCF, propriétaire du nom « Orient Express », s’apprête à remettre sur les rails un autre train, hérité du projet déçu du Nostalgie-Istanbul-Orient-Express.
En collaboration avec le groupe hotelier Accor, le groupe ferroviaire français entend bien restaurer l’esprit du train de luxe de 1883 et même renouer avec un tracé desservant l’ancienne Constantinople (aujourd’hui Istanbul).
Premier train couchette de luxe en Europe
Descendant d’une grande famille de banquiers belges, Georges Nagelmackers est totalement fasciné par les “sleeping cars” (wagons-lits) d’André Pullman, qu’il découvre lors d’un séjour aux Etats-Unis.
L’Europe des balbutiements de la Belle Époque ignore encore tout du confort sur rails et semble rétive à toute idée d’innovation. Mais dans le même temps, vers 1860, des hôtels de luxe sortent de terre tout le long des voies ferrées.
L’ingénieur en est persuadé, cet âge d’or du voyage qui voit progressivement l’élite européenne (financière, culturelle et diplomatique) traverser le vaste monde, a besoin de voitures à la fois fiables, confortables et propres. Mais surtout, la traversée des frontières reste souvent hasardeuse sinon dangereuse.
Pour atteindre ce degré d’excellence, Georges Nagelmackers souhaite dupliquer tout le confort des paquebots transatlantiques sur les voies ferrées qui desservent le vieux-continent.
Ni une ni deux, il propose à André Pullman d’être son associé, lequel refuse son offre.
Qu’à cela ne tienne, il ne compte pas enterrer son projet : permettre à une clientèle aisée de traverser l’Europe pour la mener jusqu’aux portes de l’Orient. Il entrevoit déjà le parcours, de Paris à Constantinople.
Il consigne d’ailleurs son idée dans le livre Projet d’installation de wagons-lits sur les chemins de fer du continent. Mais des difficultés techniques apparaissent tandis qu’éclate la guerre de 1870 entre la France et la Prusse.
De retour chez lui, il se rapproche alors du roi Léopold II, investisseur averti et grand amateur de trains. Séduit par l’idée, le Roi des Belges l’aide à signer des accords avec les huits pays que compte traverser le train.
En 1873, il est en capacité de monter sa propre entreprise, baptisée « Georges Nagelmackers et Cie », qui ne tarde pas à devenir la Compagnie internationale des wagons-lits (CIWL).
Dans un premier temps, celle-ci met à disposition de plusieurs compagnies ferroviaires des services de restauration et d’hébergement sous la forme de wagons-lits, de wagons salon et de wagons restaurants.
Mais dans le sillage de la création de l’Orient Express, la CIWL adoptera ensuite un nouveau nom “à rallonge” : la Compagnie internationale des Wagons-Lits et des Grands Express européens. C’est alors tout un réseau de trains de luxe européen, dont le Blue Train, le Golden Arrow et le Taurus Express, qui voit le jour.
Un voyage inaugural à succès
Le 10 octobre 1882 – un an avant le départ inaugural de l’Orient Express – Georges Nagelmackers convie tout un parterre d’invités pour expérimenter son Train Éclair de luxe. Celui-ci relie alors Paris à Vienne.
Ce test grandeur nature offre un aperçu par le menu du luxe que pourront goûter les premiers passagers de l’Orient Express. Au programme : huîtres, potage aux pâtes d’Italie, turbot sauce verte, poulet chasseur, filet de bœuf, gibier, salades, farandole de pâtisseries et pour arroser le tout, champagne et vins de Bordeaux et de Bourgogne.
Mais c’est finalement le 4 octobre 1883 que le train aux voitures en teck bleues et or s’ébranle en partance de la Gare de l’Est à Paris. A son bord, gens de presse, de la finance et du spectacle n’en reviennent pas du faste de son service comme de l’intérieur de ses voitures.
Leurs yeux incrédules découvrent ainsi tapisseries de la Manufacture des Gobelins, boiseries et mobiliers en acajous, banquettes au tissu damassé, rideaux en velours, lampes polies et autres robinets en bronze.
Pour offrir un aperçu de l’excellence artisanale française et européenne, Nagelmackers a fait appel au décorateur René Prou ainsi qu’aux maîtres ébénistes André-Charles Boulle, Riesener et Oeben.
Le célèbre verrier de l’Art Nouveau, Emile Gallé, signe même les lampes !
Le train se compose alors de trois voitures-passagers, deux wagons-lits, un wagon-restaurant et deux voitures à bagages.
Chacune des voitures dispose d’équipements dernier cri pour l’époque, du chauffage central, d’eau chaude et de salles de bain privées.
Le raffinement se retrouve également dans l’assiette.
Le menu, présenté en français et en allemand, coûtait six francs, le déjeuner quatre francs et une demi-bouteille de Moët & Chandon sept francs. Le champagne coûtait alors l’équivalent de deux jours de travail pour un ouvrier dans les mines de charbon.
Au programme, les passagers pouvaient déguster foie gras, caviar, rosbif, soufflés, fromages, etc.
Ce voyage inaugural ne dessert pas encore directement Constantinople mais son tracé mythique commence à se dessiner : Strasbourg, Munich, Vienne, Budapest et Bucarest. Le voyage dure 81 heures 30 minutes tandis que son terminus est la ville roumaine de Giurgiu. Pour le reste, il faut emprunter un second train depuis la gare bulgare de Ruse, accessible par le ferry pour rejoindre Varna. C’est depuis, ce port bulgare que les passagers arrivaient finalement aux portes de l’Orient, dans la future Istanbul.
Six ans plus tard, le train dessert enfin directement Constantinople et réduit son temps de trajet à 67 heures et 35 minutes.
Le succès est tel que célébrités et écrivains se pressent pour jouir de cette ambiance feutrée et tamisée quand tombe la nuit : de Coco Chanel à Léon Tolstoï, en passant par Mata Hari, Lawrence d’Arabie, Ernest Hemingway ou encore Marlene Dietrich.
Vapeurs, embûches et renaissance
Mais tout n’est pas rose pour l’Orient Express. La poudrière des Balkans, que traverse le train de légende, ne tarde pas à s’embraser et la première guerre mondiale à éclater. L’entreprise cesse alors ses activités pour la reprendre de plus belle en 1918.
Le sursis est de courte durée : les conditions climatiques immobilisent le train à maintes reprises. Agatha Christie s’inspirera d’ailleurs d’un de ces épisodes de congères pour écrire son best seller “Le Crime de l’Orient Express”, publié en 1934.
La haine de l’ennemi teuton et le percement du tunnel Simplon permettent au nouveau trajet de relier la Suisse à l’Italie en évitant l’Allemagne. Venise devient la nouvelle escale.
Enfin, la seconde guerre mondiale éclate. Lorsque les nuages se dissipent enfin, l’âge d’or du voyage est révolu tandis que les réouvertures de frontières se montrent particulièrement sporadiques.
Dès lors, l’Orient n’est plus aussi facilement accessible et le grand rêve de Nagelmackers perd de sa superbe.
Avec le développement de l’aérien, la clientèle se fait rare. L’affaire vivote jusqu’en 1977, date du dernier voyage.
L’homme d’affaires américain James Sherwood souhaite faire revivre la légende pour contribuer à relancer son hôtel Cipriani de Venise, alors en déshérence. Il trouve l’occasion de racheter deux voitures siglées Orient Express en piteux état lors d’une vente aux enchères en 1977. Finalement, il parvient en cinq ans à mettre la main sur 17 autres voitures chinées chez des ferrailleurs, gitans et collectionneurs désargentés. Il déniche notamment le seul exemplaire de wagon art déco oublié, signé Lalique. Ce sera le Simplon-Venice-Orient-Express, circulant entre Calais, Paris, Vérone et Venise. En 2019, LVMH en fait l’acquisition, l’exploitant sous la marque Belmond.
De son côté, SNCF, propriétaire du nom “Orient Express”, rachète au groupe Accor sept voitures Pullman qu’elle restaure aux couleurs du train légendaire.
En 2016, la découverte d’une ancienne rame entre la Pologne et la Biélorussie – le Nostalgie-Istanbul-Orient-Express voulu développé par le voyagiste Albert Glatt – relance le projet du groupe de développer des voyages-dîners, jusqu’ici freinés par le climat de crise financière. Là-bas, l’historien de la SNCF Arthur Mettetal découvre 17 voitures d’époque 1920-1930 abandonnées, dont la restauration est confiée au décorateur Maxime d’Angeac.
Initialement prévue pour 2022, la remise sur les rails interviendra finalement en 2024 avec l’aide du groupe Accor.
L’objectif de la SNCF est alors de restaurer tout l’esprit du train de 1883, du luxe de ses intérieurs richement décorés à son tracé originel.
Les cabines céderont la place à des suites, dont une suite présidentielle.
En attendant et pour célébrer comme il se doit les 140 ans de son voyage inaugural, l’Orient Express renaît dans un film qui dépasse les limites du temps et de l’espace. Un voyage qui éclipse l’ordinaire et qui promet des expériences inédites au-delà du royaume du rêve.
« Notre 140ème anniversaire ne marque pas seulement une étape, c’est un véritable témoignage de l’esprit aventurier qui anime Orient Express depuis plus d’un siècle, souligne le Pdg de Raffles & Orient Express. Pour célébrer ce voyage remarquable, nous vous invitons à nous rejoindre afin d’imaginer un avenir Beyond a world of dreams, où chaque instant célèbre la vie, le voyage et la recherche inlassable de l’extraordinaire. »
Si la patience est de mise avant de revoir ce mythe d’un autre temps de nouveau sur les rails, les passionnés peuvent déjà se consoler avec un timbre collector par la Poste et le Fond de dotation de l’Orient Express ainsi qu’un set Lego Idea (prévu pour le 1er novembre 2023 et commercialisé 299,99 euros).
Quant à ceux qui rêveraient de monter à bord dès maintenant, sachez que l’escape game parisien The One (39 Rue de Palestro, Paris 2e) a recréé deux wagons entièrement lambrisé pour les besoins de son expérience inédite Le Crime de l’Orient Express.
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Photo à la Une : © Orient Express
[EN] VICTOR GOSSELIN IS A JOURNALIST SPECIALIZING IN LUXURY, HR, WEB3 AND RETAIL. HE PREVIOUSLY WORKED FOR MEDIA SUCH AS SPARKS IN THE EYES, WELCOME TO THE JUNGLE, LE JOURNAL DU LUXE AND TIME TO DISRUPT. A GRADUATE OF EIML PARIS, VICTOR HAS EXPERIENCED MORE THAN 7 YEARS IN THE LUXURY SECTOR BOTH IN RETAIL AND EDITORIAL. CULTIVATING A GREAT SENSIBILITY FOR THE FASHION & ACCESSORIES SEGMENT, HERITAGE TREASURES AND LONG FORMAT, HE LIKES TO ANALYZE LUXURY BRANDS AND PRODUCTS FROM AN ECONOMIC, SOCIOLOGICAL AND CULTURAL ANGLE TO UNFOLD NEW CONSUMPTION BEHAVIORS. BESIDES HIS JOURNALISTIC ACTIVITY, VICTOR ACCOMPANIES TECH STARTUPS AND LARGE GROUPS IN THEIR CONTENT PRODUCTION AND EDITORIAL STRATEGY. HE NOTABLY LAID THE FOUNDATIONS FOR FASHION & LUXURY TRENDY FEATURE ARTICLES AT HEURITECH AND WROTE THE TECH SPEECHES OF LIVI, INNOVATION INSIDER OF THE LVMH GROUP.************** [FR] Victor Gosselin est journaliste spécialiste des univers luxe, RH, tech et retail, passé par Sparks In The Eyes, Welcome To The Jungle, le Journal du luxe et Time To Disrupt. Diplômé de l’EIML Paris, il dispose de plus de 7 ans d’expérience dans le secteur du luxe aussi bien sur la partie retail que éditoriale. Cultivant une grande sensibilité pour le segment mode & accessoires, l’Asie, les trésors du patrimoine et le long format, il aime analyser les marques et produits de luxe sous l’angle économique, sociologique et culturel pour révéler de nouveaux comportements de consommation. En parallèle de son activité journalistique, Victor accompagne les startups tech et grands groupes dans leur production de contenu et leur stratégie éditoriale. Il a ainsi posé les bases des articles de fond tendanciels Mode & Luxe chez Heuritech ou encore rédigé les prises de parole tech de Livi, Innovation Insider du groupe LVMH.