James Bond : Assouline consacre un livre à ses multiples pérégrinations

Avec James Bond Destinations, l’éditeur lifestyle de luxe Assouline s’intéresse aux différents endroits, réels ou fictifs, qu’a pu visiter l’espion 007 au cours de ses trépidantes aventures cinématographiques. L’occasion de convoquer pour beaucoup des souvenirs de jeunesse et une envie d’ailleurs, pour laquelle l’agent secret au service de sa majesté a été plus influent qu’il n’y paraît.

 

Quand on évoque James Bond, plusieurs associations surgissent spontanément comme le champagne Bollinger, la berline Aston Martin, le vodka martini, le pistolet Walther PPK-9, sans compter des girls plus sublimes les unes que les autres et des gadgets en tous genres.

 

Mais l’agent secret britannique est aussi celui qui jouit sans doute du passeport le mieux fourni au monde. En 50 ans et 25 aventures portées à l’écran, James Bond a ainsi visité la bagatelle de 111 lieux répartis en 50 pays, à travers le globe !

 

Aux côtés du héros, de la fille et du méchant, il faut donc ajouter un quatrième protagoniste, moins discret qu’il n’y paraît : la destination de rêve.

 

L’espion qui venait de… Jamaïque

 

Le personnage fictif créé par Ian Fleming était prédestiné au voyage au long court. En effet, son nom est celui d’un ornithologue, dont l’auteur possédait un ouvrage dans la bibliothèque de sa résidence jamaiquaine.

 

C’est à la suite d’une mission de renseignement pour la Royal Navy en pleine seconde guerre mondiale que Ian Fleming découvre ce petit coin de paradis. Voulant marcher sur les traces d’Ernest Hemingway qui possède une résidence à Cuba, Finca de la Vigia, Ian Fleming acquiert la résidence en 1946.

 

La bâtisse au style colonial située à Oracabessa, donnera son nom à la première renaissance de la franchise en 1995 avec Pierce Brosnan après une césure de six longues années : GoldenEye (l’oeil d’or).

 

Goldeneye Estate, la résidence jamaicaine du père de James Bond, Ian Fleming

 

L’écrivain passe tous ses hivers jusqu’à sa disparition en 1964 dans cet ancien domaine de plantation de cannes à sucre.

C’est ici, dans les mers cristallines des Caraïbes, qu’est né sous sa plume l’espion britannique. Une saga littéraire qui débute en 1953 avec la publication de Casino Royale et qui donnera lieu à douze romans et deux recueils de nouvelles.

 

Sans surprise, la première aventure portée à l’écran en 1962, James Bond contre Dr No, emmènera l’agent 007 sur les plages de Jamaïque où il fera la rencontre de Honey Rider, une chasseuse de coquillages interprétée par Ursula Andress.

 

Sean Connery aux côtés de Ursula Andress dans James Bond contre Dr. No, 1962 © EON Production

 

Ce rôle mythique et intrépide, qui permet à l’actrice américaine de surgir telle Vénus de l’écume des vagues signe une constante de la franchise, le personnage de la James Bond Girl.

 

C’est d’ailleurs sur une plage mitoyenne de la résidence de Ian Fleming – Crab Key Beach – qu’a été tournée la plus célèbre scène du film. Le succès sera tel, que la plage sera rebaptisée James Bond Beach. Avec le succès le lieu est même devenu un complexe hotelier : le Goldeneye Hotel and Resort.

 

Ce qui en dit long sur le lien intime qu’entretient la franchise James Bond et le tourisme. 

 

Véritable trendsetter avant l’heure, James Bond aura donc expérimenté la Jamaïque avec vingt ans d’avance, la destination ayant été avec les Seychelles, l’une des plus plébiscitées dans les années 1980.

 

Mais si la production privilégie le tournage en décor naturel, c’est essentiellement pour des raisons de budget.

La construction d’une salle de jeu de casino de style Louis XV pour le film ayant englouti une bonne part des 14 500 livres sterling dévolus aux décors, sur un budget total de 300 000 livres sterling.

 

Plutôt casanier, le personnage va commencer à bouger dès l’aventure suivante.

 

L’homme au visa d’or

 

Si la première aventure de 007 se déroule exclusivement en Jamaïque, l’idée même de varier les destinations d’un bout à l’autre de la planète apparaît dès le deuxième film Bon Baiser de Russie (1963) qui contrairement à ce que laisse penser le titre se déroule essentiellement en Turquie.

 

Sur les six acteurs qu’a compté la franchise James Bond, tous ne sont pas aussi aventureux les uns que les autres.

 

Une seule aventure oblige (Au service secret de Sa Majestée, 1969), George Lazenby n’a pas vraiment eu le temps de parcourir le monde, mais seulement trois pays, se contentant pour une large part des Alpes suisses en vue de son mariage, se partageant ensuite entre le Portugal et le Royaume-Uni.

 

Roger Moore détient la palme du globe trotter avec une trentaine de voyages dont un qui pourrait compter double, soit une échappée dans l’espace (Moonraker, 1979). L’homme a exploré l’Egypte, la Grèce (Corfou dans Rien que pour vos yeux, 1981) aux côtés de Carole Bouquet, le Brésil ou encore l’Inde et notamment le Jag Mandir sur les rives du lac Pichola, aujourd’hui Taj Lake Palace, au sud-ouest d’Udaipur (Octopussy, 1983).

 

Roger Moore en Inde, dans les bras d’Octopussy (Maud Adams), contrebandière de bijoux et riche femme d’affaires, 1983 © EON Production

 

Dernier James Bond en titre, Daniel Craig, a visité quant à lui 24 pays, dont les îles Féroé au Danemark. C’est aussi celui qui a le plus mis les pieds dans des destinations peu recommendables, comme l’Ouganda, Madagascar et Haiti.

 

Sean Connery, l’acteur historique devance de justesse Pierce Brosnan avec respectivement 23 et 22 pays à leurs actifs. Un Pierce Brosnan alternant entre farniente automobile à Monaco, ballades en moto dans Ho Chi Minh City/Saigon et séjour peu reposant dans un hotel de glaces islandais.

 

Timothy Dalton, l’acteur shakespearien a quant à lui visité 9 pays dont l’Afghanistan, le Mexique (présenté comme la République d’Isthmus) et la ville de Vienne.

 

Mais si tous n’ont pas eu le même entrain pour parcourir le monde, tous ont contribué à révéler des endroits insolites et méconnus, tout en donnant une autre dimension à des monuments célèbres et autres centres d’intérêt (carnaval et téléphérique du Pain de Sucre à Rio, tour Eiffel et château Himeji…).

 

Sean Connery, lors d’un duel avec Christopher Lee dans l’Homme au pistolet d’or (1974), a ainsi contribué à la renommée de Phang Nga Bay en Thaïlande. L’année suivant la sortie du film, l’endroit rebaptisé île de Scaramanga ou James Bond Island a attiré 1,6 millions de touristes.

 

Roger Moore dos à dos avec Christopher Lee (alias Scaramanga) dans l’Homme au pistolet d’or (1974) , tourné en Thailande © Assouline

 

Avec Meurs un autre jour (2002), Pierce Brosnan a fait découvrir à tout un public de jeunes américains la Baie d’Halong, participant à la poussée du tourisme au Vietnam. Pourtant, pour des raisons diplomatiques, les équipes sont contraintes de tourner le film en Thailande, au même endroit que l’Homme au pistolet d’or.

 

La baie d’Halong au Vietnam est évoquée dans le film Demain ne meurt jamais, 1997. Il s’agit pourtant du lieu de tournage de l’Homme au pistolet d’or, 23 ans plus tôt.

 

Quant à Daniel Craig et son ultime aventure Mourir peut attendre (2021), le maire de la ville italienne de Matera – une des plus anciennes cités au monde avec Alep en Syrie et Jericho en Palestine – évaluait les retombées financières (équipe du film et tourisme) à douze millions de livres sterling.

 

De là à dire que James Bond est le père de la tendance « Jet Setting » – consistant à choisir ses destinations en fonction des décors aperçus dans des films et séries, il n’y a qu’un pas.

 

En revanche, James Bond a – malgré son dédain pour les badauds – accompagné le développement du tourisme de masse. C’est la cas de la Villa del Balbianello sur le lac de Côme, en Italie. Visible dans le film « Casino Royale » (2006), ce manoir bâti par un cardinal en 1787 sur les vestiges d’un ancien couvent franciscain, a été contraint cet été de réduire l’afflux de touristes pour protéger le bâtiment. Il est ainsi passé de 2000 personnes par jour à 1200.

 

Bons baisers d’Eurasie

 

Les péripéties de James Bond suivent les tendances des tour operators et les bouleversements géopolitiques.

 

La même année que l’acquisition de la résidence GoldenEye, Winston Churchill déclare la création du rideau de fer scindant le monde en deux, le monde libre d’un côté et l’URSS de l’autre. La Guerre froide s’installe.

 

Il n’en faudra pas plus pour que l’essentiel des missions de Bond (jusqu’au film GoldenEye en 1995), consiste à mettre en échec les plans malintentionnés de quelques serviteurs zélés de l’Union Soviétique.

 

Pour autant, si la Russie figure dans le Top 5 des destinations récurrentes, en particulier Saint Pétersbourg dans GoldenEye, l’agent 007 n’y posera ses valises que trois fois, préférant d’autres “No Go Zones” de l’époque comme la Corée du Nord (Meurs un autre jour, 2002) ou encore l’Afghanistan (Tuer n’est pas jouer, 1987) et l’Azerbaïdjan (Le monde ne suffit pas, 1999).

 

Pierce Brosnan n’hésite pas à se rendre en Corée du Nord dans le film Meurs un autre jour, 2002 © EON Production

 

Hormis la Russie, seule la Turquie, qui intervient dès la seconde aventure, fait figure des destinations soviétiques à risque dans le Top 10 avec Istanbul en bonne place.

 

De la même manière, l’espion boude littéralement le territoire africain, ne s’aventurant pour l’essentiel qu’en Egypte et au Maroc et dans une moindre mesure en Afrique du sud et au Liban. Seul Daniel Craig ose l’Ouganda.

 

Villa Arabesque à Acapulco au Mexique, présenté comme la République d’Isthmus dans Permis de Tuer, 1989 © EON Production

 

James Bond s’aventure également peu en Amérique du Sud, hormis le Mexique, le Brésil et surtout Cuba (3 voyages). Daniel Craig est le premier à mettre les pieds en Bolivie.

 

Pour ce héros britannique de parents écossais, le Royaume-Uni reste la destination préférée (19 “voyages”). Avec 3 voyages, les terres sauvages de ses ancêtres figurent également dans le Top 10 des destinations de prédilection de James Bond.

 

Mais James Bond reflète aussi les envies de voyage des américains, des envies d’ailleurs en faveur de… l’Europe.

 

James Bond a ainsi un faible pour l’Autriche (4 voyages) et l’Espagne (3 voyages).

 

Toutefois, sa destination de cœur, hors patrie d’origine reste sans conteste… l’Italie.

 

James Bond  est passé plusieurs fois par Venise et notamment ici dans Casino Royale,  2006 © EON Production

 

Il y fait en effet escale 8 fois !

 

De Venise à Matera, en passant par Sienne, Rome, Talamanca et le lac de Côme.

 

Une passion transalpine née avec le film l’Espion qui m’aimait (1977) avec la découverte de la Costa Smeralda en Sardaigne.

 

Le personnage, britannique mais racheté par des producteurs américains, hérite d’une vision du monde d’Oncle Sam avec de nombreux préjugés sur les peuples et cités visitées.

 

En bon américain d’adoption, James Bond traverse les Etats-Unis (7 voyages), allant à New York, Los Angeles, Miami, San Francisco. Et il prend bien soin d’éviter ce que les américains considèrent comme des “flying over states” (qu’on ne fait que survoler), exception faite de la Nouvelle Orléans et de son bayou limitrophe.

 

Obsession américaine oblige, il sera amené à visiter plusieurs fois le Japon et ce depuis le film On ne vit que deux fois (1967).

 

Le château japonais d’Himeji, à 60 kilomètres à l’ouest de Kobé est dépeint comme un camp d’entrainement ninjas dans le film On ne vit que deux fois (1967).

 

Quant à la Chine continentale, James lui préfère Hong-Kong où il se rend à trois reprises. Il se risque tout juste en mer de Chine dans le film Demain ne meurt jamais (1997), épisode tristement visionnaire si l’on en croit les tensions qui persistent entre Taiwan et le pouvoir central de Pékin.

 

Adepte des décors naturels, en complément des studio britanniques de Pinewood, James Bond ne met pourtant jamais les pieds en Nouvelle Zélande, bien que celle-ci soit riche en paysages à couper le souffle.

 

Enfin, Bond étant avant tout un personnage de fiction, il lui arrive de visiter certains lieux fictifs tels que San Monique ou encore la République d’Isthmus. Cette dernière est un Narco-Etat, plus ou moins entre les mains de l’homme d’affaires Franz Sanchez, s’inspirant du Panama et de la Colombie mais dont les scènes ont en réalité été tournées au Mexique, à Acapulco et notamment dans la Villa Arabesque.

 

Pour parcourir cette aventure s’étendant sur six décennies, Assouline propose un ouvrage écrit par Daniel Pembrey,  richement illustré pour replonger dans les aventures du célèbre espion et pourquoi pas trouver de nouvelles idées pour une future destination de vacances

 

La villa del Balbianello, située sur les rives du lac de Côme et visible dans Casino Royale (2006) est aujourd’hui victime de son succès et a du cet été limiter le nombre de touristes.

Lire aussi > [LUXUS+ MAGAZINE] THE WHITE LOTUS : COMMENT LA SÉRIE À SUCCÈS INFLUENCE NOS DESTINATIONS DE VACANCES ?

 

Photo à la Une : © Assouline

Victor Gosselin

[EN] VICTOR GOSSELIN IS A JOURNALIST SPECIALIZING IN LUXURY, HR, WEB3 AND RETAIL. HE PREVIOUSLY WORKED FOR MEDIA SUCH AS SPARKS IN THE EYES, WELCOME TO THE JUNGLE, LE JOURNAL DU LUXE AND TIME TO DISRUPT. A GRADUATE OF EIML PARIS, VICTOR HAS EXPERIENCED MORE THAN 7 YEARS IN THE LUXURY SECTOR BOTH IN RETAIL AND EDITORIAL. CULTIVATING A GREAT SENSIBILITY FOR THE FASHION & ACCESSORIES SEGMENT, HERITAGE TREASURES AND LONG FORMAT, HE LIKES TO ANALYZE LUXURY BRANDS AND PRODUCTS FROM AN ECONOMIC, SOCIOLOGICAL AND CULTURAL ANGLE TO UNFOLD NEW CONSUMPTION BEHAVIORS. BESIDES HIS JOURNALISTIC ACTIVITY, VICTOR ACCOMPANIES TECH STARTUPS AND LARGE GROUPS IN THEIR CONTENT PRODUCTION AND EDITORIAL STRATEGY. HE NOTABLY LAID THE FOUNDATIONS FOR FASHION & LUXURY TRENDY FEATURE ARTICLES AT HEURITECH AND WROTE THE TECH SPEECHES OF LIVI, INNOVATION INSIDER OF THE LVMH GROUP.************** [FR] Victor Gosselin est journaliste spécialiste des univers luxe, RH, tech et retail, passé par Sparks In The Eyes, Welcome To The Jungle, le Journal du luxe et Time To Disrupt. Diplômé de l’EIML Paris, il dispose de plus de 7 ans d’expérience dans le secteur du luxe aussi bien sur la partie retail que éditoriale. Cultivant une grande sensibilité pour le segment mode & accessoires, l’Asie, les trésors du patrimoine et le long format, il aime analyser les marques et produits de luxe sous l’angle économique, sociologique et culturel pour révéler de nouveaux comportements de consommation. En parallèle de son activité journalistique, Victor accompagne les startups tech et grands groupes dans leur production de contenu et leur stratégie éditoriale. Il a ainsi posé les bases des articles de fond tendanciels Mode & Luxe chez Heuritech ou encore rédigé les prises de parole tech de Livi, Innovation Insider du groupe LVMH.

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