Jane Birkin, la baby doll chérie des français
La comédienne et chanteuse franco-britannique, icône des sixties et des seventies, s’est éteinte ce dimanche 16 juillet à son domicile parisien de la rue d’Assas (Paris 6e), à l’âge de 76 ans.
Cette femme forte et éternelle muse de Serge Gainsbourg, avait également inspiré et donné son nom à un des sacs best seller de la maison Hermès en 1984.
Sourire enjôleur, éternelle frange et accent britannique des plus craquants : l’interprète d’“ex fan des sixties”, Jane Birkin, était une artiste accomplie, incarnation d’une féminité élégante tout à la fois libérée et discrète, celle d’une ingénue à l’érotisme assumé mais jamais vulgaire.
C’était également une épouse et une mère impliquées. D’abord dans sa famille recomposée, entourée de ses trois filles (Kate, Charlotte et Lou) et soucieuse de la préservation de la mémoire de son Serge adoré qu’elle ne cessa jamais de chanter. Elle était en parallèle fortement engagée auprès de diverses associations humanitaires.
Autant d’atouts pour faire d’elle l’ambassadrice d’une Maison de luxe française aussi poétique, raffinée et ancrée dans son époque que la Maison Hermès.
Birkin ou la liberté assumée
Née en 1946 à Londres d’un père adoré -officier dans la Royale Navy- et d’une mère comédienne, Judy Campbell, Jane Birkin fait partie de la nombreuse descendance de Charles II, roi d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande.
Comme elle le déclarera plus tard à Vogue en février 2021 « Je suis anglaise et je viens d’un milieu où j’étais toujours à l’aise (…) Je pouvais dîner avec n’importe qui et manger ma salade avec les doigts. Je n’ai jamais été préoccupée par la question de savoir si les choses se faisaient ou pas« .
Elle profite du carnet d’adresses de sa mère pour trouver des rôles mais aussi fréquenter les boîtes de Londres. En 1964, celle qui est fan de Marilyn Monroe, fait ses débuts au cinéma dans le film Knack… ou comment l’avoir de Richard Lester.
Plus tard, elle passe une audition pour la comédie musicale Passion Flower, composée par John Barry, à l’origine des génériques du premier film de Jane (Knack) mais également des films James Bond ou de la série Amicalement Vôtre (The Persuaders). Alors âgée d’à peine 20 ans, elle fait sa rencontre. Avec cet homme de 13 ans son aîné, c’est un coup de foudre et un mariage.
Mais très vite, elle ressent le besoin d’envoyer valser les conventions, au point qu’à la naissance de Kate en 1967, elle se sépare. Elle tourne alors quelques scènes dénudées dans le film Blow Up (1966) de Michelangelo Antonioni. Lauréat du Grand Prix au festival de Cannes la même année, le film fait un tel scandale à sa sortie, que Jane choisit de quitter l’Angleterre pour s’installer en France.
Dans sa nouvelle terre d’élection, Jane tourne alors sur les hauteurs de Saint Tropez aux côtés d’ Alain Delon et Romy Schneider, dans La Piscine de Jacques de Deray (1969).
Les deux films résument bien son style vestimentaire, fait de robes en crochet, de chaussettes montantes, shorts en tricot, bottes en cuir et mini robe vichy.
Au fil du temps, elle déploie d’ailleurs toute la panoplie de la révolution sexuelle avec des robes très transparentes, mini jupes ou encore cuissardes.
“L’homme à tête de chou” pour pygmalion
Mais le destin frappe une nouvelle fois à sa porte lorsqu’elle tombe par hasard sur une annonce de casting pour le film Slogan de Pierre Grimblat (1969). Contre toute attente, elle est engagée malgré des essais peu concluants. Elle doit alors donner la réplique à un certain Serge Gainsbourg, parolier de génie mais tourmenté, ne cessant de se comparer aux grands poètes des temps oubliés.
Entre eux deux, l’idylle n’est pas immédiate, loin de là : si elle craque sous la pression, c’est également parce que Gainsbourg ne supporte pas cette inconnue au français approximatif, alors qu’on lui avait promis de tourner avec la top model Marisa Berenson.
Elle dira de lui au journal du Monde en 2017 “je l’ai trouvé compliqué, arrogant pendant le tournage. Il n’avait aucune gentillesse envers moi.”
Cherchant à sauver le film, le réalisateur organise un dîner avec les deux interprètes dans un restaurant cossu de la capitale – le Lapérouse. Mais Pierre Grimblat pose un lapin aux deux acteurs. Or, le Gainsbourg intime se révélant finalement “drôle, charmant et prévenant”, l’idylle mythique peut débuter. Gainsbourg prend Jane sous son aile, propulsant ainsi sa carrière musicale.
Elle chante alors avec Serge “Je T’aime… Moi Non Plus” sur son premier album Jane Birkin Serge Gainsbourg (1969), premier succès dans les hits parades internationaux et nouveau scandale.
Avec lui, elle enchaînera les tubes, de “69, année érotique” à “Quoi”, en passant par les “Dessous Chics” ou encore “Di Doo Dah” jusqu’à l’album-concept Histoire de Melody Nelson (1971), pour lequel elle posera même en couverture, vêtue d’un simple jean.
En 1971, à peine installé au 5 bis rue de Verneuil, le foyer s’agrandit avec la naissance de Charlotte.
A partir de là, Jane commence à enchaîner de nouveau les succès cinématographiques, de la comédie potache La Moutarde me monte au nez de Claude Zidi (1971) à l’adaptation du polar d’Agatha Christie Mort sur le Nil de John Guillermin (1978).
En parallèle, Gainsbarre, la face noire de Gainsbourg, marqué par l’alcool et une vie nocturne imprévisible, commence à assombrir le tableau de famille.
L’amour à bout de bras
En 1980, après douze années prolifiques de vie commune, elle quitte son parolier de compagnon et s’installe avec ses filles près du Trocadéro. Elle refait sa vie avec le réalisateur Jacques Doillon avec lequel elle se marie et à qui elle donne une fille, Lou. Cette relation lui permet d’intégrer l’univers des films d’auteur, délaissant ainsi les rôles de faire-valoir masculins façon Manic Pixie Dream Girl avant l’heure.
Ce n’est qu’en février 1987, qu’elle monte pour la première fois sur scène, pour chanter le répertoire de Serge.
1991 est sans conteste une annus horribilis pour Jane avec le décès de son ex-compagnon Serge Gainsbourg suivi de celui de son père chéri, le jour des funérailles du premier.
Elle trouve alors refuge dans le cinéma notamment avec La Belle Noiseuse de Jean Rivette (1991) ou encore On connaît la chanson d’Alain Resnais (1997).
Après le décès de Serge Gainsbourg, Jane Birkin enregistre deux albums, où elle reprend les chansons qu’il a écrites pour elle ou pour d’autres : Versions Jane (1996, album studio) et Arabesque (2002, album live).
Elle finit par refaire sa vie avec le romancier Olivier Rolin qu’elle rencontre dans un char à Sarajevo.
En 1999, elle sort enfin de l’ombre de Gainsbourg, chantant désormais des œuvres de son propre répertoire, avec le soutien d’autres auteurs de talent comme Françoise Hardy et Alain Souchon.
Une série de nouvelles épreuves ne tardent pas à s’abattre de nouveau sur elle, soit un premier cancer et la mort de sa première fille Kate Barry, tombée de la fenêtre de son appartement en décembre 2013. Suite à ce drame familial qui la marquera, elle fonde l’association La Maison de Kate, qui s’occupe des personnes dépendantes aux produits psychoactifs.
La passion chevillée au corps, Jane remonte malgré tout sur scène en 2018. S’ensuit un combat contre une leucémie ainsi qu’un léger accident vasculaire cérébral avant “des adieux à jamais” dimanche dernier.
Si l’interprete de “Je suis venu te dire que je m’en vais” a su autant touché les coeurs des français, c’est probablement parce qu’elle a incarné, malgré elle, la femme de notre époque post-Me-Too : une femme plurielle, qui assume sa féminité et sa carrière de front. C’est également quelqu’un qui n’hésite pas à concevoir la famille sous un angle étendu et recomposé.
Bien qu’ayant eu plusieurs compagnons au cours de sa vie, elle forme à jamais pour le grand public, un couple mythique aux côtés de Serge Gainsbourg, celle du poète-parolier et de sa muse. En véritable pygmalion, il aura réussi à lui redonner confiance en elle.
Reste que Jane Birkin a elle aussi donné naissance à une icône, devenue depuis objet de désir parmi les collectionneurs et les passionnés du monde entier : le Birkin.
Un patronyme à l’élégance parisienne
Jane Birkin est restée l’incarnation d’un style bohème-chic, alignée sur l’esprit frondeur des années 1970.
Depuis son décès, les hommages se sont multipliés. Mais il en est dans l’industrie du luxe qu’il convient de souligner: celui de la Maison Hermès.
Dans son communiqué, la marque parisienne a regretté la perte d’une “amie chère et complice de la première heure.” Et d’ajouter “fondée sur une sensibilité partagée, nous avions appris à nous connaître, à découvrir et à apprécier à quel point l’élégance légère de Jane Birkin révélait une artiste à part entière, engagée, ouverte et curieuse du monde et des autres ».
Tout est pourtant parti d’une rencontre fortuite en 1984 entre une jeune mère de famille et le dirigeant d’une Maison emblématique de l’élégance parisienne.
Partageant un vol Paris-Londres, Jane Birkin fait la connaissance de Jean-Louis Dumas, l’emblématique patron de la Maison Hermès, autrement dit, l’homme “qui transforme les rêves en réalité”.
Son petit sac cabas en paille venant de maladroitement de se renverser dans l’habitacle, étalant ses affaires dont son agenda, le dirigeant de la Maison du Faubourg Saint Honoré aurait alors déclaré : “Vous devriez avoir des poches pour votre agenda”.
Elle exprime alors son regret auprès du dirigeant -qu’elle ne connaît pas encore- “de ne pas trouver un cabas adapté à ses besoins de jeune maman.” S’étant présenté en affirmant “mais je suis Hermès”, Jean-Louis Dumas lui promet d’y remédier.
Prenant note de ses précieuses remarques, Jean-Louis Dumas introduit dans son offre un sac quatre fois plus grand que le sac Kelly, un modèle de sac préexistant mais rebaptisé en 1956 en hommage à l’actrice Grace Kelly.
Il lui propose de lui donner son nom évoquant tout à la fois la sonorité du Swinging London et l’icône de féminité qu’elle représente.
Manifeste d’élégance emprunt de fonctionnalité, le modèle devient vite un best seller de la maison. Son prix – 8000 euros pour un modèle classique – ne refroidit pas les ardeurs. Mais il dope au contraire les ventes auprès d’une clientèle fortunée, appréciant un savoir-faire nécessitant 18 à 25 heures de travail par sac.
Par la suite, le modèle Birkin va se doter de multiples couleurs, tailles et matières, du cuir de vache à la peau de crocodile.
Pour autant, Jane conserve un œil critique sur la création qu’elle a inspirée.
En 2015, émue par les pratiques cruelles dont elle a entendu parler dans l’abattage de crocodiles, elle demande à la Maison Hermès de renoncer à utiliser son nom pour un modèle de sac en cuir exotique.
En réaction, Hermès s’est engagé à respecter les normes éthiques les plus strictes pour le traitement des crocodiles. La marque a reconnu un « dysfonctionnement ponctuel » d’une de ses fermes américaines.
Depuis, l’engouement autour du Birkin ne s’est pas essoufflé, au point de devenir l’un des modèles de sacs les plus chers du marché.
En témoigne, un sac “Himalaya Niloticus Crocodile Diamond Birkin 30”, orné de diamants et de finitions en or, adjugé 380 000 euros en 2017 chez Christie’s à Hong-Kong. On peut citer également le sac Kelly 25 Himalaya, pièce unique en crocodile du Nil blanc mat et bijouterie en palladium, estimé par la même maison aux enchères entre 120 000 et 160 000 euros, tout en sachant qu’un modèle similaire avait trouvé son acquéreur pour 237 381 euros en 2019.
Rançon de la gloire, le modèle Birkin à suscité la convoitise de certains acteurs mal-intentionnés comme Mason Rotschild dans l’affaire des Meta-Birkin, reproduction virtuelle sans autorisation du sac iconique dans le metaverse.
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Photo à la Une : © Presse
[EN] VICTOR GOSSELIN IS A JOURNALIST SPECIALIZING IN LUXURY, HR, WEB3 AND RETAIL. HE PREVIOUSLY WORKED FOR MEDIA SUCH AS SPARKS IN THE EYES, WELCOME TO THE JUNGLE, LE JOURNAL DU LUXE AND TIME TO DISRUPT. A GRADUATE OF EIML PARIS, VICTOR HAS EXPERIENCED MORE THAN 7 YEARS IN THE LUXURY SECTOR BOTH IN RETAIL AND EDITORIAL. CULTIVATING A GREAT SENSIBILITY FOR THE FASHION & ACCESSORIES SEGMENT, HERITAGE TREASURES AND LONG FORMAT, HE LIKES TO ANALYZE LUXURY BRANDS AND PRODUCTS FROM AN ECONOMIC, SOCIOLOGICAL AND CULTURAL ANGLE TO UNFOLD NEW CONSUMPTION BEHAVIORS. BESIDES HIS JOURNALISTIC ACTIVITY, VICTOR ACCOMPANIES TECH STARTUPS AND LARGE GROUPS IN THEIR CONTENT PRODUCTION AND EDITORIAL STRATEGY. HE NOTABLY LAID THE FOUNDATIONS FOR FASHION & LUXURY TRENDY FEATURE ARTICLES AT HEURITECH AND WROTE THE TECH SPEECHES OF LIVI, INNOVATION INSIDER OF THE LVMH GROUP.************** [FR] Victor Gosselin est journaliste spécialiste des univers luxe, RH, tech et retail, passé par Sparks In The Eyes, Welcome To The Jungle, le Journal du luxe et Time To Disrupt. Diplômé de l’EIML Paris, il dispose de plus de 7 ans d’expérience dans le secteur du luxe aussi bien sur la partie retail que éditoriale. Cultivant une grande sensibilité pour le segment mode & accessoires, l’Asie, les trésors du patrimoine et le long format, il aime analyser les marques et produits de luxe sous l’angle économique, sociologique et culturel pour révéler de nouveaux comportements de consommation. En parallèle de son activité journalistique, Victor accompagne les startups tech et grands groupes dans leur production de contenu et leur stratégie éditoriale. Il a ainsi posé les bases des articles de fond tendanciels Mode & Luxe chez Heuritech ou encore rédigé les prises de parole tech de Livi, Innovation Insider du groupe LVMH.