Rendez-vous avec un artiste (Épisode 5) : Florence Gendre, l’art de la dextérité technique au service des styles
Dessinatrice depuis toujours, Florence Gendre est une artiste de talent qui allie une technicité pointilleuse, une élégance remarquable et un univers riche de styles et d’inspirations. Du dessin au crayon à l’aquarelle, en passant par l’encre à la plume ou au pinceau, elle créée pour l’architecture, la mode, la joaillerie, l’horlogerie, la mécanique et même la virologie. Membre de la Société Française d’Illustration Botanique et de l’Art du Timbre Gravé, ses créations pour La Poste, Le Musée d’Histoire Naturelle ou les grandes Maisons telles Chanel, Cartier ou Piaget dévoilent une esthétique unique et une précision stupéfiante. Pour Luxus Plus, Florence Gendre dévoile son parcours et ses inspirations.
Comment êtes-vous devenue dessinatrice ?
Je suis née dans une famille d’artistes. Mon arrière-grand-mère, grande voyageuse, dessinait déjà. Mon arrière- grand-père fabriquait des jouets avec lesquels je me suis amusée toute ma jeunesse, ma grand-mère a fait les beaux- arts, ma mère était relieuse… Et depuis l’enfance, je dessine. Je suis née avec un crayon dans la main. Très tôt, mes parents m’ont fait prendre des cours de peinture et de modelage.
Après mon bac, j’ai étudié un an à l’école Penninghen, puis j’ai réussi le concours des Arts Déco. Après 4 ans d’études, à 24 ans, je me suis lancée en tant qu’illustratrice freelance. J’ai frappé à toutes les portes des agences de publicité, des maisons d’édition et de la presse… et très vite, j’ai commencé à réaliser des dessins pour la publicité.
Pourquoi avoir choisi le dessin et surtout le dessin botanique qui représente une grande part de votre style ?
Le début de mes amours pour les dessins correspondait d’abord à une véritable passion pour les insectes. J’aurais aimé être entomologiste et voyager à travers le monde pour les découvrir et les dessiner. Ma grand-mère a également été très formatrice, elle m’emmenait aux musées des beaux-arts de Lyon et m’a appris à regarder un tableau.
Nous allions souvent au Parc de la Tête d’Or récolter des escargots dans les bassins pour son aquarium. Des petites anecdotes qui m’ont construit ! Mon amour pour les plantes a commencé avec l’observation des planches botaniques dont j’adorais les compositions, la technique et la manière de décortiquer un sujet. Ces représentations ont été un fil conducteur tout au long de ma carrière.
Comment définiriez-vous votre signature ? Qu’est-ce qui vous représente ?
La technique fait partie inhérente de mon esthétique. J’ajoute à mes créations des petites flèches, je pose des écritures et de nombreux éléments dans l’esprit croquis de chercheurs. J’ai toujours été très inspirée par les dessins des inventions de Leonard de Vinci. À 18 ans, j’ai découvert le peintre Vladimir Vladicovic : une vraie révélation, je suis tombée amoureuse de son travail. Il intégrait des écritures, des flèches, du mouvement dans ses tableaux… quelque chose de mécanique qui m’attirait indéniablement.
Quand j’ai commencé l’illustration publicitaire, j’ai construit mon style en rassemblant tous ces codes et très rapidement, j’ai eu beaucoup de commandes. Cette alliance de dessin technique et de recherche correspond à de nombreux annonceurs. D’ailleurs, j’ai travaillé avec le département développement de PSA à la création d’affiches représentant les innovations des moteurs de voitures. France Telecom, bien avant les portables, m’avait commandé des dessins de personnages marchant dans la rue avec des téléphones. À l’époque, cela me paraissait dingue.
J’ai aussi beaucoup dessiné d’illustrations futuristes : des écrans que l’on roule, des hologrammes sortant de nos téléphones ou des architectures incroyablement innovantes… Au fil du temps, ma manière d’illustrer s’est imposée par son caractère unique et je me suis différenciée de la concurrence. J’aime tout ce qui touche au moteur, à la technique ou aux rouages comme les intérieurs de montres… un lien certain avec ma famille car mon père restaurait des automates : cet amour de l’atelier et de la mécanique est ancré en moi.
En termes techniques, qu’utilisez-vous pour dessiner ?
J’ai évolué au fil des clients, des demandes et des tendances. Certains veulent plus ou moins de détails, plus de flou, plus d’éléments… cela a nourri mon style. Quand j’ai démarré, je travaillais à l’acrylique en superposant de nombreuses couches translucides pour les fonds et revenais par-dessus à l’aquarelle, aux pastels, aux crayons de couleur…. Je mélangeais toutes les techniques.
Mon agent de l’époque aimait mes esquisses au crayon sur calque et m’a poussée à les utiliser. Depuis, j’ai développé ce trait qui me correspond. J’ai également repris des cours d‘aquarelle botanique avec Agathe Haevermans, professeur au Museum d’Histoire Naturelle de Paris. À ses côtés, j’ai redécouvert l’amour du dessin d’observation et elle m’a appris de nouvelles techniques.
Cependant, pour les commandes, je n’utilise pas souvent l’aquarelle. C’est une technique très longue et les clients n’ont pas toujours le temps, ni le budget. Elle est plus adaptée aux packagings. Par exemple, j’ai créé de nombreux petits éléments botaniques pour une marque de spiritueux ou pour des cosmétiques. Mais la plupart du temps, je travaille au crayon graphite et colorie numériquement.
Pouvez-vous nous parler de projets qui vous ont marqué ?
Un de mes projets les plus incroyables ? Une commande pour la royauté du Maroc. J’ai réalisé une collection de bijoux pour la sœur du roi. Invitée chez elle, elle m’a présenté toutes ses parures pour que je m’en inspire. Ce fut un moment incroyable.
Le second projet qui me tient à cœur reste ma collaboration avec la poste pour dessiner des timbres. Ils représentent à mes yeux une institution, tout comme les billets de banque ou les pièces de monnaie. Je suis très honorée de travailler avec une entreprise qui représente la France et j’ai eu le privilège de visiter l’imprimerie et de me rendre compte de la complexité des techniques d’impression des produits philatéliques. Quand on réalise un timbre, il faut être d’une exactitude incroyable. Les sujets représentés sont extrêmement variés. J’ai travaillé sur des portraits, des thèmes d’architecture, de plantes, technologiques, de métiers d’art… grâce à Philaposte, j’ai pu explorer de nombreux lieux, ateliers, musées ou rencontrer des professionnels en lien avec les sujets choisis pour la création des timbres. C’est toujours extrêmement enrichissant.
Une dernière expérience magnifique est mon voyage au Brésil, en Amazonie. Avec un petit groupe d’illustrateurs du monde entier, nous avons vogué le long du fleuve Rio Negro sur un bateau de bois entièrement restauré. Le matin, nous partions sur une petite barque, accompagnés d’un amérindien expert de la faune et de la flore locales. Nous glissions sur l’eau au milieu des arbres et plantes qui prennent racine dans le fleuve et récoltions des plantes extraordinaires. L’après-midi, de retour à bord, nous prenions des cours et dessinions ce que nous avions vu et rapporté. Cette immersion au cœur de la forêt amazonienne reste un de mes plus beaux souvenirs : exotique, enrichissant et totalement exceptionnel.
Qu’est-ce qu’un bon illustrateur ?
Je pense qu’un bon illustrateur doit d’abord avoir un style affirmé qui lui est propre. Mais il doit aussi être souple pour répondre à une demande et accepter les corrections des clients. Travaillant seul, il faut être complet : savoir se vendre, faire sa promotion, développer et faire évoluer son travail pour qu’il s’adapte aux attentes actuelles. Dans la publicité, il faut être très réactif, disponible et rapide pour respecter des délais souvent courts. Aujourd’hui, savoir manipuler les réseaux sociaux, avoir un joli site ergonomique et surtout très bien référencé, sont des éléments primordiaux pour atteindre les clients et espérer obtenir des commandes !
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Photo à la Une : © Carl Labrosse
[EN] CÉLIA MASTORCHIO-FABBRI IS AN ARTIST AND PROFESSIONAL OF DIGITAL COMMUNICATION. GRADUATED FROM AN ESC IN LUXURY BUSINESS, SHE WROTE A BOOK ON ARTKETING AND LEGITIMATE COLLABORATIONS BETWEEN ART AND LUXURY. HAVING ACQUIRED HER SKILLS WITH SEVERAL BRANDS, NOTABLY BETWEEN LONDON AND PARIS, THROUGH A DIGITAL AGENCY, SHE WAS ALSO RESPONSIBLE FOR THE MANAGEMENT OF A JEWELLERY WEBSITE. TODAY, SHE CREATES NARRATIVE AND VISUAL CONTENT (ILLUSTRATIONS, PHOTOGRAPHS, COLLAGES, ANIMATIONS...) TO ACCOMPANY THE HOUSES, PARTICULARLY JEWELLERS, IN THE DEPLOYMENT OF THEIR IDENTITY. ****** [FR] Célia Mastorchio-Fabbri est une artiste et professionnelle de la communication digitale. Diplômée d'une ESC en Luxury Business, elle a écrit un livre sur l’Artketing et les collaborations légitimes entre l'Art et le Luxe. Ayant acquis ses compétences auprès de plusieurs marques, notamment entre Londres et Paris, en passant par une agence digitale, elle fut également responsable du management d'un site joaillier. Aujourd'hui, elle crée des contenus narratifs et visuels (illustrations, photographies, collages, animations…) pour accompagner les Maisons, particulièrement joaillières, dans le déploiement de leur identité.