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Tom Ripley ou la Dolce Vita… à tout prix

Tom Ripley ou la Dolce Vita… à tout prix

Archétype de l’ambitieux sans scrupule, obsédé par le train de vie des ultra riches, Tom Ripley reprend du service. Cet anti-héros de fiction créé en 1955 par la romancière américaine Patricia Highsmith, maintes fois porté à l’écran, s’offre pour la première fois une série sur Netflix avec Andrew Scott dans le rôle-titre. Portrait d’un talentueux personnage, entre ombre et lumière et qui, 70 ans après sa création, fascine toujours autant qu’il dérange.

 

Désargenté, vivant de petits larcins mais déterminé à se sortir de la misère, Tom Ripley débute son entrée dans le monde du luxe et des faux semblants avec une mission aux allures de vacances all inclusive : ramener à la raison et au bercail new yorkais, le fils d’un riche constructeur de bateaux. L’enfant prodigue mène avec sa copine une vie de bohême sous le soleil de Capri. A leur contact, le génie névrosé n’est pas décidé à quitter si facilement ses nouveaux “amis” et cette douceur de vivre. Il en gardera un goût immodéré du luxe, qui quelques jours plus tôt, lui était hors d’atteinte.

 

Soleil noir

 

Ne vous fiez pas à son sourire enjôleur et ses airs de dandy. Car si Tom Ripley a l’art et la manière… c’est bien d’escroquer et de manipuler quand ce n’est pas de tuer ses congénères fortunés et ce dans les plus hot spots de la planète.

 

Anti-héros dont les frasques morbides et les usurpations d’identités rythment pas moins de cinq romans, écrits par Patricia Highsmith entre 1955 et 1995, Tom Ripley doit en grande partie sa notoriété vénéneuse au cinéma et plus précisément à deux adaptations du premier tome intitulé “Monsieur Ripley” (en VO “The Talented Mr. Ripley”).

 

Le premier, “Plein Soleil” réalisé en 1960 par René Clément voit ce Rastignac campé par Alain Delon atterrir par un coup du destin au milieu de la jet set, sous le soleil doré du sud de l’Italie. L’acteur et sex symbol français qui n’a alors pas encore tourné “la piscine” donne la réplique à Marie Laforêt et Maurice Ronet, incarnant, Marge Sherwood et Dickie Greenleaf, un jeune couple de bonne famille filant le parfait amour, dupé par le jeune adonis faussement bienveillant.

 

Affiche Plein Soleil, film de René Clément, 1960 © Paris Films Production/Titanus

 

Le second, “Le Talentueux Mr Ripley”, réalisé par Anthony Minghella, et sorti en 1999 confie le premier rôle à Matt Damon, face à un casting hollywoodien composé de Jude Law, Gwyneth Paltrow, Philip Seymour Hoffman et Cate Blanchett.

 

Le Talentueux Monsieur Ripley par Anthony Minghella, 1999 © Miramax

 

Pour ces deux œuvres cultes du cinéma, le soleil qui brille lors des séjours dorés de Tom Ripley en Sicile et Ischia offre un contraste saisissant avec la noirceur de son cœur, de quoi oublier que les deux films relèvent pourtant du thriller psychologique.

 

Adapté en série de 8 épisodes d’1 heure chacun, la version Netflix de ce Kaiser Sose, anti-héros du film Usual Suspect, succès de 1995,  fait le choix délibéré d’exclure la couleur et opte pour un noir et blanc aussi sublime que sinistre.

 

A la réalisation et au scénario, Steven Zaillan confie “Je n’ai jamais vu cette histoire comme une carte postale ensoleillée et colorée mais plutôt comme le suspense inquiétant qu’elle est. L’histoire se déroule pendant l’hiver 1960 et comme beaucoup d’autres histoires d’Highsmith, elle a des allures de film noir.”Cet ex-scénariste de deux films de Martin Scorsese (Gangs of New York et The Irishman) mais aussi entre autre de la Liste de Schindler de Steven Spielberg concède que “l’histoire raconte ce que c’est d’être Tom Ripley plutôt que d’être sa victime.”

 

Dans le rôle du prolétaire qui s’immisce tel un parasite dans une famille bourgeoise pour s’emparer de leur fortune, le réalisateur a fait appel à Andrew Scott. L’acteur irlandais s’est fait remarquer pour ses rôles de Moriarty dans la série Sherlock et de prêtre sexy dans Fleabag.

 

Si dans la version de Minghella, Tom Ripley faisait encore preuve d’une douce naïveté et basculait dans le crime de manière purement accidentelle, cette nouvelle interprétation laisse au contraire apparaître un être très au fait des agissements de la pègre. Ici, cet homme sournois et ingénieux donne à voir néanmoins un être qui selon les notes de production est “très solitaire” et peu sentimental.

 

Tortueux mais talentueux anti-héros

 

Lorsque Patricia Highsmith, romancière texane et européenne d’adoption, planche sur l’écriture de ce qui constitue son deuxième roman, les polars se contentent  alors de savoir qui a tué. Sous sa plume, il sera question de s’intéresser au comportement du tueur et plus particulièrement à son monde intérieur.

 

Mais là où elle surprend son lecteur, c’est bien avec son sens aiguisé du suspense, capable de créer un basculement dramatique dans le récit sans crier gare et de transformer en meurtre une paisible balade en barque.

 

Couverture originale du livre The Talented Mr. Ripley par Patricia Highsmith

 

Mais surtout, elle joue sur l’ambiguïté de ce Gatsby en devenir, refusant d’en faire un monstre unidimensionnel. Affable, charmant, élégant et particulièrement intelligent, Tom Ripley se présente comme un personnage dangereusement irrésistible et auquel le lecteur n’a aucun mal à s’identifier.

 

Dans l’ouvrage de Patricia Highsmith, Her Diaries and Notebooks – 1941-1945, l’auteure déclare “si j’éprouve de la pitié pour les malades mentaux et les criminels [c’est parce qu’ils seront toujours les meilleurs personnages dans tout ce que j’écris] Pour la normalité et la médiocrité ? On n’a pas besoin de moi, ça m’ennuie.”

 

Homme particulièrement cultivé, Tom Ripley a le don de se sortir des situations les plus inextricables et des démêlés avec la police, sitôt ses méfaits commis.

 

Mortelle obsession

 

Censure oblige, le Tom Ripley version René Clément avec Alain Delon passait totalement sous silence sa quête d’identité sexuelle.

 

 

Matt Damon et Jude Law, respectivement Tom Ripley et Dickie Greenleaf dans Le Talentueux Monsieur Ripley par Anthony Minghella, 1999 © Miramax

 

Si Anthony Minghella a sabré une partie de l’intrigue de Monsieur Ripley pour son film “Le Talentueux Mr Ripley”, il n’a pas omis l’obsession malsaine du personnage pour le golden boy qu’il était censé ramener à son père, moyennant finance. Car s’il semblait attiré par sa partenaire Marge Sherwood, il est bien question comme dans le roman d’homo-érotisme refoulé.

 

Pour la série, le réalisateur a préféré dresser un désir létal de réinvention de soi. Autrement dit, Tom Ripley n’est pas tant motivé par une volonté de séduire l’arrogant Dickie Greenleaf que de lui ressembler, quitte à le supprimer.

 

Série Ripley avec Dakota Fanning et Johnny Flynn – alias Marge Sherwood et Dickie Greenleaf face à Andrew Scott, campant l’énigmatique Tom Ripley © Netflix

 

En cela, l’anti-héros désargenté fait l’expérience du luxe, celui qui, selon Rousseau “corrompt les mœurs” et consume l’âme. Mais à la différence des adaptations précitées, Tom Ripley trouve en Marge Sherwood – campée par Dakota Fanning (Twilight, Once Upon A Time in Hollywood), une adversaire lucide et insensible à ses charmes.

 

Et à entendre le réalisateur et scénariste de cette série Ripley, disponible depuis le 4 avril sur Netflix, ce sociopathe né sous la plume de Patricia Highsmith n’est pas prêt d’être remisé au fond du placard : “comme tous les grands personnages, Ripley peut être réimaginé à l’infini comme Hamlet.”

 

Par ses thématiques sous-jacentes autour de la réussite, de la réinvention de soi, de la santé mentale, de la solitude et de la polysexualité, Ripley se met au diapason des attentes de la Gen Z.

 

 

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Photo à la Une : © Presse

 

 


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